Voici l’histoire de Leah - la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation

Aujourd’hui, la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation rend hommage aux enfants qui ne sont jamais revenus à la maison, aux survivants des pensionnats et à ceux qui vivent encore avec un traumatisme intergénérationnel. De 1831 à 1996, 140 pensionnats fédéraux ont été gérés par le Canada. La commémoration publique de l’histoire douloureuse et tragique est un élément vital du processus de réconciliation. 

À Épicure, nous avons l’honneur de travailler et d’apprendre avec des personnes autochtones qui sont résilientes et fortes, tant au bureau chef en Colombie-Britannique qu’ailleurs en Amérique du Nord. Nous vous présentons aujourd’hui trois histoires de membres inspirants de notre équipe issus de communautés autochtones. Ils ont eu la gentillesse de nous consacrer du temps et de partager leurs connaissances en ce jour très important. 

Voici l’histoire de Leah

Par accident ou par hasard, ma famille n’a pas subi les horreurs des pensionnats autochtones. Ma grand-mère, dont je porte le nom, est sortie de son giron patrimonial pour se marier et a caché ses origines. Notre généalogie remonte à Louis Adithomoga Denys Delaronde (1750) et à sa femme Marie Na8tjikijkikwe Wonsneswesquigigo (1761). Ma grand-mère a eu neuf enfants avant de décéder le jour du 8e anniversaire de mon père. Mon grand-père s’est donc retrouvé avec beaucoup trop d’enfants à élever et trop peu d’aptitudes pour le faire.

Je sais qu’au moins une de mes tantes a été placée en adoption pour cette raison. Nous n’avons jamais discuté de nos origines autochtones, si ce n’est quelques références indirectes que j’ai comprises plus tard, une fois adulte. Malheureusement, mon père est mort quand j’avais 21 ans, alors je n’ai pu le questionner sur ses souvenirs de jeunesse. Il n’a jamais parlé de son enfance, alors j’imagine qu’elle n’a pas été idéale. Je n’ai qu’une photo de lui, enfant. On le voit assis sur la galerie très rudimentaire d’un petit chalet en bois.

Mon père a grandi et est devenu agent de la GRC à Prince George (C.-B.). Il a ensuite quitté, et je présume que c’est en partie à cause de moi. Être un père célibataire, divorcé, d’un bébé d’un mois dont il avait la garde complète ne respectait pas le code moral de la GRC. Sachant que ces agents étaient souvent ceux qui retiraient les enfants des familles autochtones, il est possible que cela lui ait causé un conflit moral. Surtout que j’aurais justement pu être un de ces enfants… À l’âge adulte, je me suis adressée à des membres de ma famille pour obtenir les réponses qui me manquaient. Notre histoire, c’est important. Savoir d’où on vient, c’est important. Je viens d’une culture qui, jusqu’à récemment, a été moquée, terrorisée, marginalisée, ostracisée. Plusieurs ont été brutalement extraits de cette culture. Alors il est normal que bon nombre en ait honte. Encore aujourd’hui, c’est malheureux, mais de nombreux préjugés et idées préconçues demeurent. Ces gestes, pensées et sentiments sont insidieux et souvent balayés du revers de la main. On nous dit « de passer à autre chose ». Quand on me croise sur la rue, j’ai l’air d’une femme anglo-saxonne normale. C’est différent quand je suis avec des gens qui partagent mes origines. Après avoir obtenu de l’information sur mon histoire, je me suis engagée à faire mieux. Nous élevons nos enfants pour qu’ils fassent mieux. Notre famille accueille tout le monde. Personne ne devrait être jugé en fonction du bagage avec lequel il vient au monde. On ne choisit pas sa couleur de peau, son genre, sa couleur d’yeux, sa situation financière ou sa culture. On n’a de contrôle que sur soi-même et on choisit qui appartient à notre espace. J’accueille les personnes qui sont gentilles et bienveillantes. En apprenant de notre passé, nous avons dressé un portrait de notre famille. Nous voulons être une vision positive de notre culture à l’avenir. En cette journée de la vérité et de la réconciliation, reconnaissons les gestes horribles qui ont été posés. Excusons-nous aux personnes touchées. On ne doit pas rejeter leur douleur et leur souffrance parce qu’elles nous rendent inconfortables. Pour grandir, on doit sortir de sa zone de confort et chercher profondément en soi pour devenir meilleur qu’hier. On doit créer de l’espace et se donner le temps de guérir. On doit tenir responsables les personnes au pouvoir et s’assurer que des ressources équitables sont offertes pour aller de l’avant. Comment tout cela est-il lié à Épicure et à ma décision de faire partie de notre entreprise extraordinaire? Mon père m’a élevée pratiquement tout seul jusqu’à ce qu’il rencontre ma deuxième mère (quand j’avais cinq ans). Ils m’ont inculqué une solide éthique de travail, l’intégrité, l’honneur, des valeurs profondes et l’importance de la famille.