Voici l’histoire de Teresa - la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation
Aujourd’hui, la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation rend hommage aux enfants qui ne sont jamais revenus à la maison, aux survivants des pensionnats et à ceux qui vivent encore avec un traumatisme intergénérationnel. De 1831 à 1996, 140 pensionnats fédéraux ont été gérés par le Canada. La commémoration publique de l’histoire douloureuse et tragique est un élément vital du processus de réconciliation.
À Épicure, nous avons l’honneur de travailler et d’apprendre avec des personnes autochtones qui sont résilientes et fortes, tant au bureau chef en Colombie-Britannique qu’ailleurs en Amérique du Nord. Nous vous présentons aujourd’hui trois histoires de membres inspirants de notre équipe issus de communautés autochtones. Ils ont eu la gentillesse de nous consacrer du temps et de partager leurs connaissances en ce jour très important.
Mon père était à un jour près de la « rafle des années 60 ». Sa famille avait un ami dans la Gendarmerie royale du Canada qui les avait prévenus de ce qui allait se passer. Ils ont pu se cacher, mais cela a séparé la famille. Il a été élevé par ses grands-parents au Manitoba, près des réserves Ebb & Flow. En tant qu'autochtone, mon père a été confronté à beaucoup de racisme pendant son enfance. Il a fréquenté ce qu’on appelle un externat indien. Il dit que la seule différence entre cette école et les pensionnats était qu'il pouvait rentrer chez lui le soir. Il y avait une religieuse - je crois qu'elle s'appelait aussi Teresa - qui était gentille avec lui, mais les autres ne l'étaient pas. On le frappait dans le dos avec une règle, on attachait ses mains parce qu'il était gaucher, et on l’appelait un « sauvage ». Il y a tant d'autres choses qui se sont passées, et par conséquent, on ressentait beaucoup de honte à être une personne autochtone. Cette honte s’est répercutée sur mon enfance, à tel point que je n'ai jamais mentionné que je suis Métisse, même si j'ai toujours su que je l'étais. Ça brise le cœur. Ce n'est pas la faute de mon père; je crois qu'il essayait simplement de nous protéger.
J'ai commencé à poser plus de questions à l'époque où j'étais à l'université. J'avais des amis qui suivaient des cours d'études autochtones en éducation et c'est la première fois que j'ai senti qu'il était acceptable de dire que j'étais, en fait, Métisse. C'était si puissant pour moi de rencontrer d'autres femmes autochtones qui étaient fières de ce qu'elles étaient, de leurs racines, de leur héritage et de leur survie. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à apprendre à connaître notre propre patrimoine.
Avec le recul, c’est drôle de constater que je n'avais jamais fait le lien. Lorsque les informations ont été publiées, j'ai enfin compris pourquoi mon père allait à une école avec des religieuses et pourquoi il y était traité de façon si horrible. C'était une école pour enfants autochtones et c'était terrible. Nous n'avions jamais discuté de ce qui s’était réellement passé. Quand on en a enfin parlé, il a commencé à s'ouvrir sur son expérience. Il n’y a pas assez de « preuves » d'actes répréhensibles à l’externat spécifique qu’il a fréquenté; il ne sera donc indemnisé d’aucune manière que ce soit.
Mon père a continué à être confronté au racisme sur son lieu de travail et en public. Il y a quelques années, il a été accusé de vol à l'étalage à l’épicerie Superstore et, heureusement, une femme est intervenue pour le défendre, sinon la police aurait été appelée. J'ai été complètement choquée que cela arrive à mon propre père. On en entend parler dans les journaux, mais j'ai été choquée que mon merveilleux père soit confronté à cela, encore de nos jours.
« Quelle a été votre réaction lorsque les rapports de la Commission de vérité et réconciliation ont été publiés ? »
Ces documents ont expliqué comment notre société a été formée de telle sorte que ce racisme devienne acceptable. Cacher cette partie de moi constituait définitivement une forme d’autopréservation. Cela m'a aidée à comprendre que la honte que je ressentais m'a été transmise, et que je peux apprendre à me guérir de cette honte en embrassant mon héritage et cette partie de moi. Je me sens fière quand je pense à tous les obstacles que mon père a surmontés, malgré les difficultés qu'il a rencontrées.
Beaucoup n’y croient toujours pas ou pensent que ce n'était pas si grave que ça – et c’est le cas aussi dans notre propre communauté.
Pour moi, c'est l’occasion d'embrasser mes racines. J'ai grandi en ayant tellement honte d'être à moitié autochtone. Il m'a fallu des années pour me donner vraiment le droit d’affirmer cette partie de moi. Participer à ce projet est un pas de plus vers la fierté de tout ce qui fait de moi une personne unique.
« Quel conseil donneriez-vous à ceux et celles qui entreprennent leur parcours vers la réconciliation ? »
Il est normal de ressentir une multitude de sentiments : profonde tristesse, honte, colère, humiliation, fierté, joie, etc. Il n'existe pas de manière unique de ressentir les choses; la guérison n'est pas linéaire. Pour moi, trouver une personne avec qui je peux partager et être vulnérable m'a beaucoup aidée dans mon propre cheminement. Une autre chose qui m’a aidée, c’est de me joindre à des groupes et des cours afin d’acquérir le plus de connaissances possible pour moi et mes enfants.
Il est très important pour moi que mes enfants comprennent que ça fait partie de leur histoire car, même s'ils ont la peau pâle et les cheveux clairs, ils sont un quart autochtone. Ils font partie de cette histoire et il est si important que ce que leur propre famille a vécu soit documenté.
En tant qu'enseignante, mon héritage culturel m'a aidé à me sentir liée à mes élèves autochtones. Je me souviens qu'il y a des années, certains d'entre eux m'appelaient « tatie ». Je me sentais très proche d'eux parce qu'on utilisait ce terme d'affection à mon égard. J'ai su dès lors qu'il était important pour moi d'embrasser mon héritage afin que ces enfants et les miens ne ressentent jamais le sentiment de honte que tant d'entre nous ont ressenti en grandissant. Cela m'aide à m'assurer que tous les enfants dans toute leur diversité sont toujours inclus, et pas seulement les enfants autochtones. Cela m'a aussi aidée à définir ce que signifie l'inclusion pour moi.
Il y a tellement de choses que je suis impatiente d'explorer. J'avais été invitée à une suerie, mais je n'y suis pas allée parce que j'avais l'impression que je n’y serais pas vraiment à ma place. J'espère pouvoir le faire un jour, quand je serai prête. J'ai toujours fait confiance à mon intuition et à mon « savoir ». La connaissance de mes racines m’aide aussi à comprendre les raisons pour lesquelles je suis la personne que je suis.
« Quelles ressources recommandez-vous aux personnes qui souhaitent en apprendre davantage? »
Je suis encore en pleine phase d'apprentissage et je pense que je le serai pendant longtemps. Cela dit, voici quelques-unes de mes ressources :
- Megan Tipler (IG : @tiplerteches)
- Inclusive Canada (IG : @inclusivecanada)
- L'Université de l'Alberta offre un cours en ligne gratuit de 12 leçons sur le Canada autochtone.
Livres :
- The North-West Is Our Mother: The Story of Louis Riel’s People The Métis Nation par Jean Teillet
- With Our Orange Hearts par Phyllis Webstad, la fondatrice de la Journée du chandail orange. Je partage actuellement ce livre avec ma classe de jeunes enfants.